« La Chica Nabokov y otros poemas », un nouveau livre de José María Memet, les poèmes entre le Chili et Loinville, France

José María Memet, poète né à Neuquén, Argentine (1957), nationalisé chilien en 1970 ; au moment de la rédaction de cet article, il vit à Loinville, Chartres, France ; entre autres, le prix José Lezama Lima Casa de Las Américas (une distinction que jusqu’à présent seuls trois poètes chiliens ont reçue : Raúl Zurita, Óscar Hahn et José María), a écrit ce livre divisé en « La peste en Comala », « Haïkus/Epigrammes/Echos », « Les cerisiers de Kurosawa », « La poésie est un sport politique », « Notes de musique », « Scènes de cirque », « Flaites airways », « Bouquets de fleurs », « Coqs », « La fille Nabokov » et un « Épilogue ».

Chacun de ces « chapitres » donnerait pour une étude qui dépasse ces lignes. Il ne nous reste donc plus qu’à faire un commentaire et à citer quelques fragments de ce recueil de poèmes, œuvre de maturité poétique.

Les sujets sont nombreux: du souvenir de l’enfance (l’enfant poète qui découvre le sens de la beauté et sait qu’il existe une clé de ce que sera sa vie): « Année 1967 Porma Spa / … Je n’ai jamais oublié ce moment / et ils filmé des larmes sur mon visage/ aussi salé que la mer/ Tous les enfants ont crié/ pendant que j’entrais dans la beauté/ et comprenais que nous sortions/ de ces eaux » (fragment, p. 85) ; réflexion sur la poésie : « Morale : / avec la poésie on ne joue pas » (Morale, p. 95) ; « La beauté résiste/ comme un moineau sur une branche/ au milieu de l’hiver » (La Gorriona, fragment, p. 47) ; ); « C’était si beau/ que c’était un poème ambulant/ C’était l’humanité parfaite/ une seule race (il n’y en a jamais eu d’autre)/ où nous sommes tous/ La terre est la perfection de l’espèce/ dans l’univers connu/ La Beauté/ Une épiphanie/ La révolution » (La habanera, fragment, p. 52) ; « Aucun canon ne peut détruire / une métaphore. […]/ Ils ne peuvent que tuer le poète/ La beauté ne meurt jamais » (À propos du pouvoir, fragment, p. 35) ; la conscience révélée et totale de l’« ici et maintenant », même dans la fragilité de l’existence humaine : « Je dors paisiblement/ et même si un jour ne se lève pas/ produit de la guerre nucléaire,/ j’étais là. Nous étions ici./ À un moment donné dans l’univers/ nous nous sommes rencontrés et avons partagé/ du temps./ Je t’ai aimé ici. (À la manière de Frank Delgado, troubadour cubain, fragment, p. 39). Tout peut arriver, la planète pourrait exploser, mais nous étions, nous étions invités au « banquet » de la vie, ou quoi que ce soit… ; il y a des poèmes écrits en France, les poèmes de Loinville : « L’Orage/ Il y a alerte/ Tous les insectes et animaux/ ont cherché protection/ Je suis le seul poète de Loinville/ qui continue d’écrire/ pendant que la foudre frappe/ et les le tonnerre fait trembler les vitres » (p. 17) ; thèmes de nos personnages historiques : Pedro de Valdivia ou légendes sportives : « Dernier combat de la nuit / J’ai vu tomber Martín Vargas / d’un seul volet / au Théâtre Caupolican / à Santiago du Chili » (fragment, p. 54).

Bien d’autres poèmes où l’on retrouve l’apocalyptique, la menace nucléaire ; contingence nationale et internationale; la guerre ukraino-russe ; allusions aux puissants du monde, Biden, Poutine ; tout ce qui est devant les yeux du poète et heurte sa sensibilité, celle du poète qui aime avant tout la beauté, qui est capable de sentir la plénitude des fleurs de cerisier, la présence d’un merle dans l’arbre et d’un chat qui le regarde (en ce contrepoint du « jeu de la vie »); le politique, la mémoire de la dictature ; le grand-père, peut-être le « premier vrai communiste », je vis en mémoire.

Le poète s’exprime dans un langage clair et direct ; les poèmes ont une mise en page soignée et intentionnelle; la vérité du barde « amoureux » et désabusé, de l’artiste qui contemple d’un œil critique et parfois avec un humour caustique sa situation et son époque. Le poème « La Chica Nabokov » est l’un des axes ou leitmotiv qui nous amène à l’essentiel ou à la synthèse de tout le recueil de poèmes : le monde tel qu’il est, beau et cruel, et la beauté, et la sensualité et l’eros et l’interdit…

Une plus grande collection de poèmes, avec des réminiscences d’autres temps et ancrées dans aujourd’hui; avec des thèmes et des tons regroupés sous des titres évocateurs ; avec quelques poèmes familiers, d’autres visionnaires (la « peste » présente et annoncée quelque temps auparavant dans un texte prémonitoire, « Cavafis », p. 7) ; un hymne à la beauté même au milieu de la complexité du monde contemporain ; poèmes écrits au Chili et à Loinville, lieu du poète et du chat-animal de compagnie, Luchito Ocelote, ramené en France de Carthagène –c’est rappelé dans la critique introductive du livre– et qui, comme tout chat rebelle, est plutôt du quartier que de la maison familiale, il disparaît, pour revenir quand il veut, stoïque et fier, avec ses « blessures de guerre »…

Enfin, dire que dans la poésie de José María Memet, même dans les plus contingentes, il y a un désir de beauté, peut-être né ou révélé dans l’enfance profonde des lares méridionaux. Le poète cherchant à percer le sublime, le poétique et le lumineux même dans un monde menaçant : « J’avais 8 ans./ J’étais allongé sur un lit superposé/ dans une vieille maison à la campagne/ et c’était l’aube.[…] /Je n’avais pas sommeil/ et j’ai clairement entendu/ comment un rayon de soleil est entré/ par la fenêtre./ Pour la première fois j’ai réalisé/ le pouvoir de la vie./ Je me suis retourné et j’ai vu qu’il était beau/ illuminant le mur/ et Je savais que je ne me sentirais jamais / désolé/ même si la route était dure./ C’est horrible de vivre/ parmi des canailles/ et des meurtriers,/ mais la force/ de la lumière/ dans ton âme,/ est indestructible » (Rayo de sol, p. 86).

Fiche technique:

José María Memet, Ed. Luchito Ocelote Poetry Collection, Première édition : mars 2023. Santiago du Chili – Loinville, France. 300 exemplaires numérotés.

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